- MOT
- MOTML’unité que le sens commun serait enclin à considérer comme fondamentale au niveau de la parole est pour la linguistique la source d’un certain nombre de critiques fécondes: le mot ne correspond, en effet, que très imparfaitement aux éléments mis en jeu dans le discours; ce sont plutôt nos habitudes graphiques que des raisons vraiment de structure qui sont responsables de l’importance donnée au mot, par ailleurs unité lexicale commode à faire entrer dans un dictionnaire. Mais, même sur ce plan, il n’est pas exclu qu’on rencontre des difficultés à classer comme entités distinctes des homonymes («air» dans «avoir l’air» est-il le même mot que dans «prendre l’air»?) ou à regrouper sous une même rubrique des sens suffisamment éloignés pour justifier des clivages profonds (la «mousse végétale» et la «mousse du champagne»).Ce n’est, d’ailleurs, pas seulement sur le plan du lexique que des précautions méthodologiques sont nécessaires: la morphologie aussi nous indique que les blancs graphiques n’épousent que très rarement les contours d’un signe unique; et encore la segmentation dépend-elle pour une large part des critères qu’on adopte en synchronie, si bien qu’on aura intérêt la plupart du temps à considérer la séquence comme un syntagme d’éléments amalgamés. Ainsi, civium représente à la fois un lexème («citoyen»), plus un génitif, plus un pluriel, soit trois signes en un seul mot et en deux morphes. Il en va de même pour «anticonstitutionnellement», à cette différence près toutefois que l’usager ressent avec plus ou moins de prégnance les diverses composantes de cette séquence: le préfixe anti- et le suffixe adverbial ont sans doute l’effet le plus important, de même que la base adjectivale sur laquelle est formé l’adverbe; celle-ci renvoie à une base nominale, «constitution», qui est encore sensible, mais à l’intérieur de laquelle on ne décode pas vraiment de radical, même si on y perçoit une dérivation à partir de constitu -, sans qu’on puisse y trouver de trace du latin st -, pourtant également présent derrière «instituer», «stable» ou même «constater». Il s’agit certes là d’un cas limite et toutes les séquences de la langue ne sont pas aussi riches et n’occultent pas toutes non plus à ce point leur structure. Néanmoins, la fréquence d’un phénomène tel que l’accord ou la conjugaison verbale implique que l’on considère comme inutile le recours au radical nu, qu’il faudrait alors, en tant que mot, classer dans une catégorie disparate comprenant aussi bien des noms propres et des prépositions.1 ♦ Cour. Chacun des sons ou groupe de sons correspondant à un sens, entre lesquels se distribue le langage. Les mots écrits sont séparés par des blancs. « tu me parles avec des mots et moi, je te regarde avec des sentiments » (Godard, « Pierrot le fou », film). Manger ses mots, la moitié des mots. Chercher ses mots. Dire un mot pour un autre (⇒ lapsus) . — Loc. Avoir un mot sur le bout de la langue, ne pas le trouver tout en étant sûr de le connaître. — Ne pas dire, prononcer un seul, un traître mot. Sans mot dire. ⇒ motus. Ne pas souffler mot. Ne pas pouvoir placer un mot. PROV. Qui ne dit mot consent. En disant ces mots, à ces mots, sur ces mots. Mot mal écrit, illisible. Mot à double sens. Mot tabou. Mot obscène. Jeu de mots. Jouer sur les mots. Ce ne sont que des mots (et non des réalités). Ne pas avoir peur des mots. Ne pas mâcher ses mots. Peser ses mots. Égoïste, ce n'est pas le mot, le mot qui convient. Jamais un mot plus haut que l'autre : d'un ton égal, sans colère. Parler à mots couverts. Comprendre à demi-mot. ⇒ demi-mot. Se payer de mots. Employer les grands mots, des mots emphatiques qui ne disent pas les choses simplement. Gros mot. Le mot de Cambronne, de cinq lettres (merde). Mot d'ordre, de passe. Loc. Se donner le mot (de passe) :se mettre d'accord, être d'intelligence. Le mot de l'énigme. Le fin mot de l'affaire, de l'histoire. Au bas mot. Rapporter un propos mot pour mot, sans y changer un mot, textuellement. Mot à mot [ motamo ] :un mot après l'autre. Traduction mot à mot, littérale. Subst. Le mot à mot : la traduction littérale.♢ (1921) MOTS CROISÉS :mots qui se recoupent sur une grille carrée et quadrillée de telle façon que chacune des lettres d'un mot disposé horizontalement entre dans la composition d'un mot disposé verticalement; divertissement consistant à trouver ces mots à partir de courtes définitions, de jeux de mots. Faire des mots croisés. Amateur de mots croisés. ⇒ cruciverbiste.2 ♦ Inform. Suite finie d'unités d'information traitée ou stockée d'un seul tenant. Un mot de huit bits. ⇒ octet .3 ♦ Ling. Forme libre douée de sens qui entre directement dans la production de la phrase. Mot oral, mot écrit. Graphie d'un mot. Mot d'un morphème, de plusieurs morphèmes. ⇒ composé, 2. dérivé, lexie; 1. affixe, base, radical. Mot-valise (voir ce mot). Fonction d'un mot dans la phrase, distributions d'un mot. Catégories des mots. ⇒ adjectif, adverbe, article, conjonction, interjection, nom (et substantif), préposition, pronom, verbe. Mots lexicaux (nom, verbe, adj., adv.), mots grammaticaux, ou mots-outils (Vx) ,exprimant des relations (conjonction, préposition, etc.). Mot qui évoque un bruit. ⇒ onomatopée. Mot-phrase, qui forme à lui seul une phrase. Mot à plusieurs sens. ⇒ polysémique. Mots à prononciations identiques (⇒ homonyme) , voisines (⇒ paronyme) , à mêmes signifiés (⇒ synonyme) , à signifiés contraires (⇒ antonyme) . Mot autonyme. Groupe de mots. ⇒ expression, locution, syntagme; phraséologie. Ensemble des mots d'une langue (⇒ lexique) , étude des mots (⇒ lexicologie) . Mot vieux (⇒ archaïsme) , nouveau (⇒ emprunt, néologisme) . Mots courants, usuels. Mots dont on ne relève qu'un seul exemple. ⇒ hapax. Mots familiers, populaires, mots d'argot; mots savants. ⇒ terme, vocable. Mots régionaux. Chercher un mot dans le dictionnaire (⇒ entrée) . Étymologie, définition, notation phonétique d'un mot. Forme des mots. ⇒ morphologie. Étude du sens des mots. ⇒ sémantique.♢ Doc. Mot-clé : mot représentant une des notions fondamentales de l'information contenue dans un texte.4 ♦ (Dans des expr.) Phrase, parole. Dire des mots doux, des mots gentils, des mots d'amour.♢ Loc. Je lui en toucherai un mot : je lui en parlerai brièvement. En un mot : pour résumer en une seule expression, en une phrase. En un mot comme en cent. Deux mots, quelques mots : un bref discours. Dire deux mots à qqn, le réprimander. Avoir son mot à dire : être en droit d'exprimer son avis. N'avoir qu'un mot à dire pour (que ou inf. ). C'est mon dernier mot : je ne ferai pas une concession de plus. Avoir le dernier mot : ne plus trouver de contradicteur, l'emporter. Il n'a pas dit son dernier mot : il est encore capable d'intervenir, de modifier à son profit la situation. Prendre qqn au mot : se saisir aussitôt d'une proposition qu'il a faite sans penser qu'elle serait retenue.5 ♦ Par ext. (1578) Courte lettre, billet. Écrire un mot à qqn. Avez-vous reçu mon mot ?6 ♦ Parole exprimant une pensée de façon concise et frappante. Mots célèbres, historiques. « Selon le mot du plus spirituel de nos diplomates » (Balzac). Mot d'enfant. Mot d'auteur, où l'on reconnaît l'esprit de l'auteur. Le mot de la fin : l'expression qui résume parfaitement la situation, ce qui clôt une discussion. Bon mot, mot d'esprit : parole drôle et spirituelle. ⇒ 1. trait. Avoir toujours le mot pour rire. « Chamfort a laissé bien des mots qu'on répète » (Sainte-Beuve). — Loc. Fam. Avoir des mots avec qqn, se disputer avec lui. Nous avons eu des mots ensemble.⊗ HOM. Maux (3. mal).Synonymes :- terme- vocablePetit nombre de paroles prononcées ou écritesSynonymes :- paroleSentence, parole mémorable, historiqueSynonymes :- boutade- pointe- saillie- traitmotn. m.d1./d Son ou groupe de sons d'une langue auquel est associé un sens, et que les usagers de cette langue considèrent comme formant une unité autonome; lettre ou suite de lettres comprise entre deux espaces blancs, transcrivant un tel son ou un tel groupe de sons, en français et dans les langues de tradition graphique comparable. Mot savant, mot courant. épeler un mot.— Chercher ses mots: parler avec difficulté, en hésitant.— Manger ses mots, mal les prononcer.— Ce sont des mots, ce ne sont que des mots, des paroles qui ne veulent rien dire.— Grands mots ou (Afr. subsah.) gros mots: mots trop solennels, qui dénotent l'emphase, l'affectation sentencieuse.— Gros mot: mot grossier.— Le mot de Cambronne, euph. pour merde (mot que le général français Cambronne aurait lancé au général anglais qui le sommait de se rendre, à Waterloo).— Le mot de l'énigme: ce qui éclaire une affaire demeurée longtemps mystérieuse.— Le fin mot, celui qui vient en dernier, et qui permet de comprendre le reste. J'ai su le fin mot de l'affaire.— Maître mot: mot qui résume la pensée (de qqn), la volonté (d'un groupe).— Jeu de mots: équivoque plaisante jouant sur les similitudes phonétiques et les rencontres de sens, calembour.— Mot à mot: un mot après l'autre; littéralement, sans dégager le sens général de l'expression, du texte. Traduire mot à mot.— n. m. Faire du mot à mot.— Mot pour mot: sans changer un seul mot.|| Mots croisés: V. croisé.|| INFORM Mot clé, associé à un contenu et ayant une signification spécifique.d2./d Ce que l'on dit en peu de paroles; courte phrase. Dites-lui un mot en ma faveur. J'ai deux mots à vous dire.|| Loc. Avoir son mot à dire: être fondé à donner son avis, ou en avoir le droit.— Ne pas souffler mot: demeurer silencieux.— Prov. Qui ne dit mot consent.— Avoir le dernier mot: l'emporter dans une discussion.— C'est mon dernier mot, ma dernière proposition, mon ultime conclusion.— Je n'ai pas dit mon dernier mot: je n'ai pas renoncé à avoir le dessus (dans une affaire, une action mal engagée, etc.).— Au bas mot: en évaluant au plus bas.— à demi-mot: V. demi-mot (à).— Toucher un mot d'une affaire à qqn, lui en parler, la porter à sa connaissance.— Prendre qqn au mot, tenir pour assurées ses assertions, ses promesses.— Mot d'ordre: consigne d'action.— Mot de passe: formule qui permet de se faire reconnaître d'un parti ami, d'une sentinelle, etc.— Fig. Se donner le mot: convenir par avance de qqch.— Fig. En un mot: pour résumer.d3./d Parole remarquable ou mémorable; sentence. Citer un mot historique. Mot d'auteur, d'enfant.— Le mot de la fin: l'expression qui conclut heureusement un discours, un entretien.|| Parole amusante ou spirituelle. Mot d'esprit. Bon mot. Avoir le mot pour rire.d4./d Courte missive, billet. Envoyer un mot à qqn.⇒MOT, subst. masc.I. A. —Son ou groupe de sons articulés ou figurés graphiquement, constituant une unité porteuse de signification à laquelle est liée, dans une langue donnée, une représentation d'un être, d'un objet, d'un concept, etc. Les mots nous présentent des choses une petite image claire et usuelle, comme celles qu'on suspend aux murs des écoles, pour nous donner l'exemple de ce qu'est un établi, un mouton, un chapeau, choses conçues comme pareilles à toutes celles de même sorte (PROUST, Chron., 1922, p.107). Souffrir. Dans ce mot, il y a un monde avec ses abîmes, ses tremblants espoirs, ses larmes, sa nuit, son aurore, son jour et son crépuscule. Pauvreté du langage humain. Comment dire tout ce qu'on veut dire avec des mots? (GREEN, Journal, 1951, p.93):• 1. Un mot peut avoir puissance aussi par la superstition, comme on voit bien par les noms de lieux, qui sonnent autrement pour l'un que pour l'autre les souvenirs forts qui y sont liés. Ainsi, pour un provincial, le nom de la ville où il a appris la politesse; ainsi les noms exotiques pour ceux qui ont voyagé; ainsi les noms devenus célèbres par l'histoire et par les oeuvres. On dit bien qu'il y a une magie des mots, et des préférences de sentiment ou des aversions en chacun.ALAIN, Beaux-arts, 1920, p.305.1. [Le mot considéré sous son aspect formel, matériel]a) [Le mot considéré sous son aspect phonique] Articuler, balbutier, détacher, scander, traîner des (ses) mots; bégayer des mots sans suite; mal prononcer ses mots; mot de plusieurs syllabes (v. antépénultième ex. de Lemaitre). Dis qu' t'es pas fâchée?... Dis-le?... Il parlait comme moi en supprimant la moitié des mots (GYP, Souv. pte fille, 1928, p.326). Chartron avait épinglé des photos au mur. Elle les connaissait mais feignit d'être surprise. — C'est vous? demanda-t-elle. Il les lui présenta une à une, avec une voix qui martelait les mots (DABIT, Hôtel, 1929, p.210). Le boyau... était... bombardé, mon lieutenant. La panique de la voix étranglait les mots au passage (VERCEL, Cap. Conan, 1934, p.162):• 2. Certaines particularités d'élocution qui existaient à l'état de faibles traces dans la conversation de Bergotte ne lui appartenaient pas en propre, car quand j'ai connu plus tard ses frères et ses soeurs, je les ai retrouvées chez eux bien plus accentuées. C'était quelque chose de brusque et de rauque dans les derniers mots d'une phrase gaie, quelque chose d'affaibli et d'expirant à la fin d'une phrase triste.PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p.553.— Manger ses mots, la moitié de ses mots. Prononcer les mots de façon peu claire ou incomplète. Le sieur Ragon était un petit homme de cinq pieds au plus, à figure de casse-noisette (...) sans dents, mangeant la moitié de ses mots (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p.164).b) [Le mot considéré sous son aspect graphique] Mot mal écrit, mal orthographié; orthographe d'un mot; épeler un mot; transposer les lettres d'un mot. Je fis comme ma mère, qui apprenait l'orthographe en faisant attention à la manière dont les mots imprimés étaient composés (SAND, Hist. vie, t.2, 1855, p.258). Elle a eu la curiosité de voir ce qu'il faisait: elle a trouvé des carrés de papier où il écrit des mots illisibles (RENARD, Journal, 1901, p.691). Dans l'alexie pure, si le sujet ne peut plus reconnaître les lettres d'un mot, c'est faute de pouvoir mettre en forme les données visuelles, constituer la structure du mot, en appréhender la signification visuelle (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p.227).♦P. euphém. Mot de trois lettres. Le mot con. Mot de cinq lettres. Le mot merde.2. [Le mot considéré du point de vue de sa signification, de sa valeur, de sa qualité]a) [Le mot considéré du point de vue de son sens] Mot exact, précis, vague; mot abstrait, concret; sens, signification d'un mot; répertoire des idées par les mots; mot employé dans son sens fort, noble, plein, rigoureux, strict; les mots et les choses; sens ancien, classique, étymologique du mot; sens général, scientifique, technique du mot; poids des mots. De quel droit prononcent-ils [les radicaux] de façon générale et abstraite le mot de propriété individuelle, alors que le sens de ce mot varie avec le mouvement même de l'histoire? (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p.153). [Le] goût du malheur fait de Baudelaire un poète éminemment moderne (...). À une époque où le sens du mot bonheur se dégrade de jour en jour, jusqu'à devenir synonyme d'inconscience, ce goût fatal est la vertu surnaturelle de Baudelaire (ÉLUARD, Donner, 1939, p.109). Nous avons employé et nous emploierons encore les adjectifs vital, vécu. Ce ne sont pas des concepts clairs, au sens cartésien du mot, précisément parce qu'ils ne désignent pas des réalités claires (MOUNIER, Traité caract., 1946, p.116):• 3. Je ne me pique pas d'être un parangon de mérite en aucun genre; mais je serais désolé de manquer de distinction, d'à-propos, de tact, de mesure, et, dans l'acception la plus élevée du mot, de ce que nous appelons bon sens, et ce sont là les qualités françaises par excellence.GOBINEAU, Pléiades, 1874, p.77.♦Mot propre, impropre. Courier: (...) il n'y a pour les nobles qu'un moyen de fortune (...); ce moyen c'est la prostitution. La cour l'appelle galanterie. J'ai voulu me servir du mot propre et nommer la chose par son nom. Le Président: Jamais le mot de galanterie n'a eu cette signification (COURIER, Pamphlets pol., Procès, 1821, p.94).♦Mot à double entente (vieilli); mot à double sens. Synon. équivoque. Desmazes (...), à la bouche, un mot à double sens cochon et qui a tout le long de la soirée la démarche titubante et le sourire salivant d'un pochard (GONCOURT, Journal, 1894, p.672):• 4. ... Boche disait préférer les petits oignons, quand ils étaient bien revenus, Madame Lerat pinça les lèvres, en murmurant: — Je comprends ça. Elle était sèche comme un échalas, menait une vie d'ouvrière cloîtrée dans son train-train, n'avait pas vu le nez d'un homme chez elle depuis son veuvage, tout en montrant une préoccupation continuelle de l'ordure, une manie de mots à double entente et d'allusions polissonnes, d'une telle profondeur, qu'elle seule se comprenait.ZOLA, Assommoir, 1877, p.453.— En partic. [Le mot considéré comme dénué de signification, ou opposé au réel, aux idées, aux choses] Mots creux, vides. Synon. paroles en l'air. Rosny est très blagué (...) au sujet de l'article qu'il vient de commettre dans la Revue indépendante (...). Geoffroy et Mullem, qui rient dans les coins, lui jettent qu'il y a plus de mots que d'idées dans son article (GONCOURT, Journal, 1888, p.838). La loi, la justice égale pour tous: des mots, des mots (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p.72). Toutes sortes de mots qui n'étaient que des mots, eh bien, maintenant, les voilà qui signifient quelque chose... Je ne savais pas respecter une femme parce que je ne sais pas ce que c'était que de l'aimer... (Tr. BERNARD, M. Codomat, 1907, II, 8, p.171):• 5. Point de journal ni de gazette qui n'invite son lecteur, une fois la semaine, à séparer la «paille des mots» d'avec «le grain des choses». Ou bien encore ne soupire, à propos de guerre ou de paix, d'élections, de chômage: «Des mots! des mots!» Hamlet s'est fait journaliste.PAULHAN, Fleurs Tarbes, 1941, p.62.♦Se payer de mots. Se contenter des mots sans prendre en considération ce qu'ils désignent. Rabagas: (...) J'obtiens tout, une charte, une chambre, un cabinet! moi en tête!... vous après!... Vuillard, fronçant le sourcil: Sans la république? Rabagas: Oh! bien! si nous nous payons de mots! (SARDOU, Rabagas, 1872, IV, 9, p.188). Le poète doit être le dernier des hommes à se payer de mots (VALÉRY, Lettres à qq.-uns, 1945, p.245):• 6. Nous vivons sur des sentiments admis et que le lecteur s'imagine éprouver, parce qu'il croit tout ce qu'on imprime; l'auteur spécule là-dessus comme sur des conventions qu'il croit les bases de son art. Ces sentiments sonnent faux comme des jetons, mais ils ont cours. Et, comme l'on sait que «la mauvaise monnaie chasse la bonne», celui qui offrirait au public de vraies pièces semblerait nous payer de mots.GIDE, Faux-monn., 1925, p.1198.b) [Le mot considéré du point de vue de sa valeur styl., expressive, du niveau de lang. auquel il appartient] Mot chantant, expressif, harmonieux, fort, pittoresque; mot banal, terne, usé, sans relief; mot juste; mot blasphématoire, blessant, grossier, ignoble, injurieux; mot argotique, bas, familier, populaire, vulgaire; saveur des mots. Je ne suis plus qu'amour pour toi, ou plutôt le mot amour est trop faible. Je sens pour toi ce que je devrais sentir uniquement pour Dieu: un mélange de respect, d'amour, d'obéissance (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p.491). Une nouvelle crise de rage jalouse le jetait sur son lit, mordant les draps, criant des mots infâmes qui l'affolaient davantage (ZOLA, Nana, 1880, p.1437). Les mots ordinaires et les constructions communes sont ici [dans la prose] la matière de l'artiste (ALAIN, Beaux-arts, 1920, p.305):• 7. Un jour, je découvris une inscription toute fraîche sur le mur de l'école, je m'approchai et lus: «Le père Barrault est un con». Mon coeur battit à se rompre, la stupeur me cloua sur place, j'avais peur. «Con», ça ne pouvait être qu'un de ces «vilains mots» qui grouillaient dans les bas-fonds du vocabulaire et qu'un enfant bien élevé ne rencontre jamais; court et brutal, il avait l'horrible simplicité des bêtes élémentaires.SARTRE, Mots, 1964, p.63.— Loc. et expr.♦Adj. + mot, mot apposé + mot, mot + adj.Grand mot. Mot de grande conséquence; péj. mot emphatique, prétentieux. C'est un bien grand mot. L'autorité, messieurs, voilà le grand mot en France. Ailleurs, on dit la loi, ici l'autorité (COURIER, Pamphlets pol., Pétition aux deux Chambres, 1816, p.5). Quand nous aurons prouvé (...) que christianisme, mosaïsme, toutes les religions positives, se résument en ce grand mot humanité! il faudra bien alors que cette humanité règne (P.LEROUX, Humanité, 1840, p.V). Voilà le grand mot lâché Le respect Et le veilleur de nuit s'esclaffe Le respect Il s'esclaffe comme une girafe Il se tord comme une baleine (PRÉVERT, Paroles, 1966, p.157).Gros mot. V. gros III B.Maître(-)mot. Mot qui a de l'efficacité, mot essentiel. Pas une fois il n'entendit la parole qu'il attendait, la seule parole à laquelle il fût encore attaché (...) — les syllabes chéries entre toutes, le maître mot de l'extrême Occident, le mot liberté (J.-R.BLOCH, Dest. du S., 1931, p.296).Mot magique.♦Verbe + motNe pas avoir peur des mots. Parler en termes clairs, directs. — Ce journal dont vous êtes directrice? — Il n'y a pas de directrice chez nous, dit-elle. — N'ayez pas peur des mots, mademoiselle. Ce n'est pas eux qui font du mal, mais les choses (RENARD, Journal, 1901, p.712). Courpière: Vous êtes venue? Mme Arrow: Oui. Parce qu'il faut en finir. Courpière, tout de suite sur la défensive et arrogant: Avec quoi, s'il vous plaît? Mme Arrow: Vous ne pensez pas que j'aurai peur des mots?... (HERMANT, M. de Courpière, 1907, II, 5, p.16).Ne pas dire (prononcer, proférer) un mot plus haut que l'autre. Parler sans éclat, sans colère. Elle parlait de Monsieur Pennanéach. Un saint homme. Un saint homme qui ne disait jamais un mot plus haut que l'autre (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p.83). Au sujet de ces insupportables devoirs de vacances, une discussion s'éleva. Je fus un peu trop désinvolte, mon père lui-même s'en offusqua et finalement Anne m'enferma à clef dans ma chambre, tout cela sans avoir prononcé un mot plus haut que l'autre (SAGAN, Bonjour tristesse, 1954, p.126).Dire, lâcher le mot. Émettre brutalement et avec une réticence surmontée mais explicite un mot qui pourrait être ressenti comme incongru ou inconsidéré. Ce que je vous demanderais, le cas échéant, n'est qu'une malhonnêteté. Ce n'est pas, lâchons le mot, un mouchardage (R. VAILLAND, Bon pied, bon œil, 1966, p.134 ds REY-CHANTR. Expr. 1979).Parler à mi-mots, à demi-mots; parler à mots couverts (v.couvert, -erte, part. passé et adj. II C 2 c).Ne pas mâcher ses mots; trancher le mot (littér.). Parler avec franchise, netteté. Je suis bien paresseux, bien vieux, tranchons le mot (STENDHAL, L. Leuwen, t.3, 1836, p.324). Eh! bien, oui, quoi?... Il n'y a pas à mâcher les mots, ça perd du temps!... Tu es une femme d'argent; je te dois une indemnité pour ton... dérangement... Combien? (FEYDEAU, Dame Maxim's, 1914, I, 6, p.10). M. Sureau ne m'a pas laissé le temps de me ressaisir, de me justifier. Il a été vif. Tranchons le mot: il s'est montré brutal et même féroce (DUHAMEL, Confess. min., 1920, p.5). Il reste à savoir si, dans la conjugaison du système nazi et du dynamisme allemand, il n'y a eu qu'un hasard, ou si cette rencontre même ne fut pas comme l'aboutissement d'un mal plus général, tranchons le mot, d'une crise de la civilisation (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p.569).c) En partic. [Gén. construit avec un compl. prép. de indiquant une fonction ou une signification particulière]♦Mot d'ordre. Mot de passe. Mot de ralliement.— Loc. et expr. [Sans compl. prép., le mot est chargé d'une signification particulière]♦Avoir le mot. Être dans le secret, savoir ce qu'il faut dire ou faire. P... se dévoue à faire société à l'artiste vétérinaire, lequel ne disait plus un mot sans jurer, sans frapper sur la table avec son verre, sans faire des cuirs (...) tous mes camarades avaient le mot (SAND, Corresp., t.2, 1837, p.67).♦Donner le mot. Donner consigne, demander d'agir d'une certaine façon. Je courus rejoindre mademoiselle Merquem, tandis que Stéphen allait donner le mot à toute la maison pour que je ne fusse pas signalé comme un monsieur à ces deux étrangers (SAND, Mlle Merquem, 1868, p.148). M. Bonardel a donné le mot. Le portier me dit dès que j'ai montré mon nez: «Suivez-moi» (VALLÈS, J. Vingtras, Bachel., 1881, p.368).♦Se donner le mot. Se mettre d'accord, s'entendre.♦Savoir le (vrai) mot de qqc. Connaître la raison profonde, le sens caché de quelque chose. Puis elle tendit la main à du Bruel (...) veux-tu savoir le mot de tout cela? Eh! bien, j'ai peur de ne pas être aimée (BALZAC, Prince Bohême, 1840, p.392). Il savait aujoud'hui le vrai mot de ces détresses momentanées (BOURGET, Crime am., 1886, p.39).B. —Spécialement1. LING. Unité significative indépendante, ne pouvant pas toujours être déterminée selon un critère de séparabilité fonctionnelle ni par un critère de délimitation intonative :• 8. Il faut chercher l'unité concrète ailleurs que dans le mot. Du reste beaucoup de mots sont des unités complexes, où l'on distingue aisément des sous-unités (suffixes, préfixes, radicaux); des dérivés comme désir-eux, malheur-eux se divisent en parties distinctes dont chacune a un sens et un rôle évidents. Inversement il y a des unités plus larges que les mots: les composés porte-plume, les locutions s'il vous plaît...SAUSS. 1916, p.148.• 9. La variété des procédés morphologiques fait que la définition du mot varie suivant les langues. S'il y a des langues où le mot se laisse définir aisément comme une unité indépendante et insécable, il en est d'autres où il se fond en quelque sorte dans le corps de la phrase, où l'on ne peut à vrai dire le définir qu'à condition d'y englober une masse d'éléments variés.VENDRYES, Langage, 1921, p.103.Rem. 1. La difficulté à instituer le mot comme concept opératoire a conduit de nombreux linguistes à préférer les concepts désignés par les termes de: syntagme, lexie ou synthème, ces deux derniers étant les plus fréquents avec cette valeur. 2. Mot s'oppose à morphème (forme minimum douée de sens, libre ou liée à une autre forme). Vie et mort des mots.— [Le mot envisagé du point de vue de sa structure] Mot alphabétique (synon. sigle); mot composé; mot dérivé; mot phrase (rem. s.v. phrasé); mot portemanteau; mot racine (rem. s.v. racine); mot simple ou primitif; mot tronqué; mot-valise; famille des mots.— [Le mot envisagé selon ses caractéristiques morphosyntaxiques] Mot variable, contracté, fléchi, invariable; genre d'un mot.— [Le mot envisagé du point de vue de son origine, de sa filiation, de son évolution] Mots anglais, espagnols, étrangers, latins; mots voyageurs; histoire des mots; usure des mots.♦Mot populaire. Mot formé selon une évolution phonétique non contrariée à partir d'un mot latin ou étranger. Comme jumelles, mot populaire, presque argotique, est joli, comparé à microscope, stéréoscope, d'une barbarie si savante et si triste! (GOURMONT, Esthét. lang. fr., 1899, p.29).♦Mot savant. Mot formé directement sur un mot latin, grec ou étranger. Les commerçants connaissent le goût du peuple pour les mots savants (...). Un marchand d'appareils photographiques a baptisé sa boutique, Photo-emporium; il vend des vitagraphes et des kromskopes! (GOURMONT, Esthét. lang. fr., 1899p.35).♦Mot d'emprunt; mot indigène, emprunté.— [Le mot envisagé du point de vue de sa fonction] Mot grammatical. Mot-outil (rem. s.v. outil). Mot plein.— [Le mot envisagé selon son usage] Mot nouveau, à la mode, fréquent, rare, thématique, précieux, technique, vieilli, désuet, vivant, inusité.2. INFORMAT., PROGRAMMATION. Suite finie et totalement ordonnée de caractères ou de bits (v. bit2) constituant une cellule de mémoire désignée par une seule adresse. La longueur du mot, soit le nombre de bits qui le composent, peut être fixe ou variable pour une même machine. Parfois le mot est divisé («splittage») ou allongé en appelant simultanément plusieurs positions consécutives de mémoire; le groupage de plusieurs mots est souvent nécessaire pour stocker des instructions (LE GARFF 1975).♦Mot machine. Dans une mémoire centrale, mot adressable en totalité et transmis comme une unité par les circuits de la machine (d'apr. LE GARFF 1975).3. DOCUM. Mot-clé. Mot ou groupe de mots extrait d'un texte et représentant une des notions fondamentales de l'information contenue dans le texte (d'apr. Media 1971).II. A. —[Le mot considéré comme élément d'un discours] À ces mots, sur ces mots, dès les premiers mots; en disant ces mots; ne pas dire un mot, un seul mot, un traître mot. Ce paysan resté près de la terre, qui ne trouvait pas de mots pour exprimer ce qu'il sentait (ZOLA, Débâcle, 1892, p.445). C'est par ton camarade que tu es informé de tout cela?... C'est lui qui t'a sollicité d'intervenir, peut-être? — C'est lui qui m'a rapporté la vérité, mais c'est ma conscience, père, ma conscience qui m'a conduit vers toi. — Tu emploies les mots sans discernement, mon enfant (LACRETELLE, Silbermann, 1922, p.129). Ce qu'il y a de latin, c'est ce besoin de se servir des mots pour exprimer des idées qui soient claires (ARTAUD, Théâtre et son double, 1938, p.49):• 10. Fixant mon attention tout entière sur mes impressions si confuses, et ne songeant nullement à me faire admirer de M. de Norpois, mais à obtenir de lui la vérité souhaitée, je ne cherchais pas à remplacer les mots qui me manquaient par des expressions toutes faites, je balbutiai, et finalement, pour tâcher de le provoquer à déclarer ce que la Berma avait d'admirable, je lui avouai que j'avais été déçu.PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p.457.— Loc. et expr.1. Mot à mot, mot pour mot. Un mot après l'autre; p. ext. exactement, fidèlement, textuellement. Lire mot à mot; rapporter un récit, des propos mot pour mot. Il avait aussi récité le catéchisme, tantôt bien, tantôt mal, à l'instituteur qui se montrait exigeant, pour cette leçon comme pour les autres, et qui aimait qu'on les récitât mot pour mot (R. BAZIN, Blé, 1907, p.43). De cette conversation, qui m'a été répétée mot à mot, et du témoignage de Lady Édith, (...) il résulte que Sir Archibald emportait sur lui (...) toutes les pièces utiles au divorce (FARRÈRE, Homme qui assass., 1907, p.330):• 11. J'allais chercher le tome «PR-Z» du grand Larousse, je le portais péniblement jusqu'à mon pupitre, l'ouvrais à la bonne page et copiais mot pour mot en passant à la ligne: «Les requins sont communs dans l'Atlantique tropical. Ces grands poissons de mer très voraces atteignent jusqu'à treize mètres de long et pèsent jusqu'à huit tonnes...» Je prenais tout mon temps pour transcrire l'article...SARTRE, Mots, 1964, p.11.Emploi subst. D'une voix nasillarde elle [une élève] ânonne «le mot à mot» de la leçon; pas de points, pas de repos, et de nombreux cuirs. On voit qu'elle ne comprend rien de ce qu'elle dit (GYP, Souv. pte fille, 1928, p.126).♦Traduire mot pour mot (vx), mot à mot. Traduire en faisant correspondre à chaque mot pris isolément son équivalent exact dans une autre langue. Je commençais moi-même à entendre un peu d'arabe, mais pas assez pour le lire; mon interprète traduisait les morceaux du poëme en italien vulgaire, et je les traduisais ensuite mot à mot en français (LAMART., Voy. Orient, t.2, 1835, p.47).Emploi adj. Traduction mot à mot.Emploi subst. Donner le mot à mot d'un texte. Puis ses idées (...) se posèrent sur le texte grec. Il faisait le mot à mot (...), disant tout haut les mots grecs et français qu'il écrivait (A. FRANCE, Jocaste, 1879, p.139).— Mot de Cambronne. Le mot merde.♦Sans mot dire, sans dire mot; ne dire mot. Sans rien dire, ne rien dire. Il allait jusqu'à s'appliquer à être un convive agréable. Lui qui eût voulu pouvoir rester sans mot dire, bouche bée devant Mahaut, il se torturait l'esprit pour parler à ses voisines (RADIGUET, Bal, 1923, p.94). Nous demeurâmes longtemps sans mot dire dans l'obscurité devenue profonde, les yeux fixés sur la mer. Le sentiment du temps s'envolait pour moi (GRACQ, Syrtes, 1951, p.164).♦Ne pas sonner (vx), ne pas souffler mot. Garder le plus profond silence. Les journaux français me semblent bien silencieux. (...) Le Lancement belge, comme dit Lacroix, a été complètement manqué; L'Indépendance n'a pas eu même un extrait, et n'a pas soufflé mot (HUGO, Corresp., 1862, p.392).♦Qui ne dit mot consent. V. consentir II B 3.♦Absol. Mot (vx ou littér.). Pas un mot. Je n'eus garde de parler d'autre chose. Des journées de Juillet, de la chute d'un empire, de l'avenir de la monarchie, mot (CHATEAUBR., Mém., t.4, 1848, p.219).3. Verbe + mot♦Avoir un mot sur (le bout de) la langue (v. ce motIB1a).♦Avoir un mot sur les lèvres.♦Chercher ses mots, ne pas trouver ses mots. Hésiter en parlant ou en écrivant, avoir du mal à s'exprimer. Didace (...) chercha ses mots. S'il se fût agi de rassembler un troupeau de bêtes effrayées (...), là, par exemple, il eût été à son aise! Mais, des mots contre lesquels on se bat dans le vide? Au moment de parler, une gêne subite le serra à la gorge (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p.196).♦Peser ses mots. Parler avec circonspection. Je ne suis qu'un prêtre sans expérience, mais je sais ce dont je parle, et je pèse mes mots (BERNANOS, Crime, 1935, p.790). Jallez ne répondit pas tout de suite. Il pesait ses mots avant de les dire (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p.199).B. — 1. Ensemble de mots constituant un énoncé. Couler, glisser, souffler un mot à l'oreille de qqn. Ces excellentes natures qu'un rien contente, qu'un ruban rallie à jamais, qu'un dîner à la cour exalte, qu'un mot agréable de la part d'un ministre met en révolution (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p.343). Madeleine alors me prit le bras, s'y appuya avec l'apparence d'un entier abandon, et me répondit un seul mot: «Mon ami, vous êtes un ingrat!» (FROMENTIN, Dominique, 1863, p.173):• 12. Je lui assurai que je ne pensais pas sans remords à l'abandon où je les avais laissés, lui et sa mère. Il parut surpris; il trouvait «très joli» que je leur eusse assuré une rente régulière. «Il y en avait beaucoup qui n'en auraient pas fait autant». Il ajouta un mot horrible: «Du moment que vous n'étiez pas le premier...» Évidemment, il jugeait sans indulgence sa mère.MAURIAC, Noeud vip., 1932, p.210.♦[Constr. avec un compl. prép. de indiquant le contenu communiqué] Mot d'amour, d'approbation, de consolation, d'éloge, d'excuse, d'explication, de louange, de pitié, de politesse, de regret, de remerciement, de reproche. Les femmes faisaient assaut de bons dîners et de toilettes; chacune d'elles avait tout dit en disant un mot de mépris sur son mari (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p.56). Il ouvrait les bras à notre héros qui s'y précipita en fondant en larmes. L'abbé Blanès était son véritable père. — Je t'attendais, dit Blanès, après les premiers mots d'épanchement et de tendresse (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p.151). J'ai reçu une lettre de Monsieur Jean. Elle est bien sèche, cette lettre. On dirait à la lire qu'il ne s'est jamais rien passé d'intime entre nous. Pas un mot d'amitié, pas une tendresse, pas un souvenir!... (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p.158).— Loc. et expr.a) Prép. + mot♦Au bas mot. [Indique le niveau inférieur d'une évaluation quantitative] Au minimum, au moins. L'époque où l'île de Santorin n'avait pas encore vu sa partie centrale s'effondrer dans une convulsion volcanique, c'est-à-dire il y a quarante siècles au bas mot (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p.83). Plusieurs coulées de gemmes uniques! des parures! des émeraudes d'une magnificence incroyable!... un petit milliard au bas mot... (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p.514).♦D'un mot, en un mot; p. hyperb. en un mot comme en cent, comme en mille. Bref, pour résumer. En un mot comme en cent, vous n'aurez jamais en ce pays une armée à vous (COURIER, Pamphlets pol., Lettres partic., 2, 1820, p.70). Pascal! Grand homme avant trente ans; physicien, mathématicien distingué, apologiste sublime, polémique supérieur (...); philosophe profond, homme rare en un mot (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersbourg, t.1, 1821, p.522). En un mot comme en mille, il faut que vous preniez une grande passion pour Mlle Gosselin (STENDHAL, L. Leuwen, t.2, 1835, p.401). D'un mot, Étienne résuma la situation: si elle voulait décidément la grève, la compagnie aurait la grève (ZOLA, Germinal, 1885, p.1292).♦En deux mots. Très brièvement. Pour tout dire en deux mots, notre vagabond s'était lié d'une amitié platonique avec une péripatéticienne de l'amour (BAUDEL., Paradis artif., 1860, p.402):• 13. ... il lui arrive une mauvaise histoire, (...). En deux mots, voilà: Avant-hier soir, au ciné, il prie une dame très chic de lui traduire le texte du film, un film roumain. Je ne sais pas ce qu'il lui a dit ou fait, mais du ciné ils sont allés chez elle. Le mari qui devait être loin, comme toujours, rentre et les pince. Conan le rosse, et à fond, mais le mari est un commandant roumain... Ça fait naturellement un potin du diable!VERCEL, Cap. Conan, 1934, p.95.Rem. On relève les var.: en trois, en quatre, en quelques mots: Une vraie parisienne de 1900 ne devait pas hésiter à donner son avis en trois mots, aussitôt fameux, sur une pièce, une guerre, un cheval, un opéra, un mariage princier, une grève, ou quelque arrivée de tsar (FARGUE, Piéton Paris, 1939, p.182).b) Verbe + mot♦Avoir son mot à dire. Être autorisé à exprimer son avis, à donner son opinion. Pour aller de ce point de départ qu'a été la nature à ce point d'arrivée qu'est le tableau, pour simplement concevoir ce but, il a fallu une intention; pour réaliser cette jonction, il a fallu un intermédiaire. (...) L'artiste est tout cela. Qui donc, plus que lui, pourrait avoir son mot à dire? (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p.86).♦Avoir, échanger des mots avec qqn (fam.). Avoir une querelle, une altercation, échanger des propos malsonnants. Elle l'avait ramené dans la lumière. Il ne savait que dire. — «Tu as eu des mots avec le père, je parie? Tu n'oses plus rentrer chez toi?» La voix était douce. Il accepta le mensonge. Il avait retiré son chapeau et répondit poliment: — «Oui, Madame.» (MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1922, p.640).♦N'avoir qu'un mot à dire. Être écouté ou obéi immédiatement. «Ange de Dieu, lui dit-elle, les brigands sont partis!» Le capitaine répondit en anglais: «Oui, Madame (...). — Excellent jeune homme! La bataille a dû être terrible! — Pas trop: bataille sans larmes. Je n'ai eu qu'un mot à dire (...)» (ABOUT, Roi mont., 1857, p.155).♦Dire deux mots à qqn. Faire des reproches à quelqu'un, réprimander quelqu'un. Je le retiendrai ce marchand de tonneaux, Que si je le revois, je lui dirai deux mots (PONCHON, Muse cabaret, 1920, p.270). César, indigné: L'infamie de cette Miette, avec sa coqueluche secrète! Té, je vais lui dire deux mots demain! (PAGNOL, Fanny, 1932, III, 7, p.196).Dire deux mots à qqc. (qui se mange ou se boit). [En parlant d'une nourriture ou d'une boisson] Consommer. Dire deux mots à un poulet. Tu dis que tu as froid pour que je t'offre la goutte (...). Nous allons donc dire un mot à ce flacon de cognac (DUMAS père, Forestiers, 1865, I, 1, p.149).♦Ignorer, ne pas savoir le premier mot d'une chose. En ignorer tout. Janin, extrêmement myope et ne connaissant pas le premier mot de peinture, brode dans les beaux-arts (Arts et litt., 1936, p.40-9). Il a dû exister des événements d'importance capitale dont, faute de documents, nous ne saurons jamais le premier mot (MARROU, Connaiss., hist., 1954, p.69).♦Placer son (un) mot. Intervenir dans une conversation. Ah! tu as beau hocher la tête et te croire plus d'esprit que les autres, c'est pourtant vrai! Mais tu ergotes toujours; on ne peut pas placer un mot avec toi! (FLAUB., Éduc. sent., t.2, 1869, p.138). Au premier arrêt des mâchoires, on sert des plaisanteries obscènes. Ils se bousculent tous et criaillent à qui mieux mieux pour placer leur mot (BARBUSSE, Feu, 1916, p.29). Élisabeth: Rose ne t'a rien dit? Rose: Non, Élisabeth, j'allais le faire quand vous êtes entrée... Vous savez comme est Marianne et comme c'est difficile avec elle de placer un mot... (MAURIAC, Mal Aimés, 1945, I, 2, p.164).♦Prendre qqn au mot. Prendre quelqu'un à ses propres paroles, accepter une proposition faite par quelqu'un qui ne pensait pas être pris au sérieux. Il a prétendu qu'il vous connoissait si bien, qu'il serait en état de faire votre portrait, nous l'avons pris au mot, et n'ayant pu se dédire, voici l'ouvrage qu'il nous a apporté ce matin, et qui ne manque pas de vérité (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p.1603). Je prie Votre Excellence de ne pas songer à moi pour la croix, et encore moins pour la gratification. — Prenez garde, monsieur, dit le ministre tout à fait en colère, je suis homme à vous prendre au mot (STENDHAL, L. Leuwen, t.3, 1836, p.198).c) Déterm. + mot♦Dernier mot. Réponse définitive; dernière ressource. La docta ignorantia, dernier mot de la philosophie, proclame un dieu inconnaissable (Théol. cath. t.4, 1, 1920, p.1244).C'est mon dernier mot. C'est la dernière proposition que je fais. V. aussi dernier II B 1 b.Avoir le dernier mot (dans une discussion). L'emporter finalement, ne plus avoir de contradiction; avoir le pouvoir de décider en dernier ressort. Il n'est pas admissible que des groupes privés de citoyens façonnent à leur guise les décisions «impératives». La puissance publique doit avoir le dernier mot ou alors il n'y a plus d'état (MEYNAUD, Groupes pression Fr., 1958, p.308). Un colloque sur «Sport et médecine» était assemblé à Vichy (...). Soit, mais les athlètes (et quelquefois, dans une certaine mesure, leurs entraîneurs-conseillers) ont individuellement le dernier mot de ces palabres (Jeux et sports, 1967, p.1229).Dire son dernier mot. Faire sa dernière proposition; ne plus rien avoir à proposer. Il tourne trois fois sur lui-même, et pense sept fois sous son menton avant de dire son dernier mot (PROUDHON, Syst. contrad. écon., t.1, 1846, p.339). Matisse a dit son dernier mot de peintre (un peintre qui renonce à la couleur pour se contenter du blanc et d'un ocre tirant sur le noir) (DORIVAL, Peintres XXe s., 1957, p.70).Ne pas avoir dit son dernier mot. Pouvoir encore intervenir, faire ou produire quelque chose, ne pas avoir donné toute sa mesure. La mécanique classique est loin d'avoir dit son dernier mot (Hist. gén. sc., t.3, vol.2, 1964, p.184).Le dernier mot d'une chose. Sa plus grande perfection. C'est là le dernier mot du luxe aujourd'hui. Posséder des choses qui ne soient pas vulgarisées par deux mille bourgeois opulents (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p.341). La linotype n'était pas le dernier mot du progrès puisque apparurent, en 1900, la monotype, due à Tolbert-Lanston, qui fond les caractères un par un, et, en 1953, l'extraordinaire lumitype de Higonnet et Morond (P. ROUSSEAU, Hist. des techn. et des inventions, 1967, p.310).♦Savoir, connaître le fin mot de qqc. V. fin2 I A.— En partic. Courte lettre, billet. Écrire, envoyer un mot à qqn. Le directeur reçoit un mot bref de l'architecte: «Veuillez tenir pour nuls les plans que je vous ai envoyés. Je suis obligé de reprendre tous mes calculs» (PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p.93). Je vais te faire un mot. Tu iras le porter en ville. On verra bien... (...). — Tiens, dis-je à Korzakow en lui tendant la lettre que je venais de cacheter (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p.75).♦[Constr. avec un compl. prép. de indiquant le contenu du message] Mot de condoléance, de félicitation; envoyer, faire, écrire un mot d'excuse, de remerciement. Dans votre petit mot de réponse, soyez assez bon pour me donner des nouvelles de Mme de Saulcy à qui vous présenterez, je vous prie, mes respects (FLAUB., Corresp., 1863, p.316). Au bout d'un mois l'abbé Sancerre l'a quittée [la trappe de Fourmes], muni d'un mot de recommandation pour l'évêque de Chaux (BILLY, Introïbo, 1939, p.222).2. En partic. Parole expressive et concise, remarquable par son caractère original, spirituel, profond, etc. Mot historique, mémorable; mot cruel, drôle, dur, frappant, piquant, spirituel, terrible, à l'emporte-pièce; bon mot; faire des mots. Coffe continua à penser tout haut avec une cruelle franchise. — Ici, c'était le mépris tout pur. Cela m'a fait penser au mot célèbre: on avale le mépris, mais on ne le mâche pas (STENDHAL, L. Leuwen, t.3, 1836, p.56). La mère Félix (...) causant (...) de la façon dont elle est accouchée de Rachel en Suisse et de ce joli mot de la sage-femme suisse, lui demandant s'il faut faire comme à l'ordinaire, parce qu'elle n'a jamais accouché de juive! (GONCOURT, Journal, 1860, p.830). Kautsky rappelait, récemment, au congrès socialiste de Vienne, le mot fameux de Lassalle: «Le prolétariat est le roc sur lequel sera bâtie l'Église de l'avenir» (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p. X). V. axiome ex. de Gide:• 14. Les musiciens professionnels, qui s'en tiendraient à la connaissance et à la jouissance intellectuelle des jeux et des problèmes harmoniques ou rythmiques, posés et résolus, n'entrent jamais dans le secret de l'art d'un Beethoven, chez qui le fond psychique imprègne toujours la forme. Chez nul artiste n'est plus exact le mot fameux: «Le style, c'est l'homme.»ROLLAND, Beethoven, t.1, 1937, p.272.— Mot d'esprit (v. ce mot 2e section I D 2 b).— [Constr. avec un compl. prép. de désignant l'auteur du mot] Mot d'auteur. Lagier qui passe, avec son air, son ton, tout ce qu'elle a d'inimitable, salue le préfet de police d'un Bonjour, mon général! —un mot de putain sublime (GONCOURT, Journal, 1864, p.75).♦Mot d'enfant. Parole touchante ou drôle, caractéristique de la mentalité enfantine. Daudet parlait aujourd'hui d'un garçon de la littérature (...) dont la spécialité était de fabriquer des mots d'enfant, des mots de bébé, et qui lui disait: «J'ai fait aujourd'hui un bébé de 3 francs!» (GONCOURT, Journal, 1864p.658). Je crois que mon père m'aimait bien. Il m'emmenait quelquefois en promenade, c'est un bon signe, parce que les hommes rougissent de sortir avec un enfant qui fait des mots d'enfant (NIZAN, Conspir., 1938, p.217).— Loc. et expr.♦Mot de la fin (v. ce mot A 3 a).♦Mot de la situation.♦Avoir le mot pour rire Je te fais hisser avec ce vaurien (...) à la plus haute potence de Greenock dans une chemise de mailles de fer, pour jouer par cet appât un tour mémorable aux corbeaux. Tu n'auras jamais été vêtu aussi solidement (...). — Monseigneur a toujours le mot pour rire (NODIER, Fée Miettes, 1831, p.132).— Devise héraldique. Au Moyen Âge, on faisait grand usage des emblèmes et des mots. Quelques-uns de ces mots avaient un caractère définitif et demeuraient, pour l'existence, la propriété distinctive de ceux qui les avaient adoptés. Tels, le mot JAMAIS que choisit Charles VI, et JE L'AI EMPRIS (entrepris) qui fut, sa vie durant, la devise de Charles le Téméraire (HAVARD t.3 1883).III. —Dans le domaine du jeuA. —Mot d'une charade, d'une énigme (v. ce mot A). Mot que l'on donne à deviner dans une charade ou une énigme. [De Marsay à Paquita:] (...) tu es, foi d'honnête homme, une charade vivante, dont le mot me semble bien difficile à trouver (BALZAC, Fille yeux d'or, 1835, p.384).B. —Mots carrés. Jeu d'esprit se présentant sous la forme de points alignés les uns au-dessous des autres en forme de carré et symbolisant les lettres du mot (dont la définition est donnée par ailleurs) constitué par la ligne de points, les mots trouvés devant se lire horizontalement et verticalement (d'apr. ALLEAU 1964).C. —Mots croisés. Jeu d'esprit se présentant sous forme d'une grille quadrillée, à cases blanches et noires, dans laquelle se disposent des mots se lisant horizontalement et verticalement, (avec des lettres communes à l'intersection) et devant être trouvés à l'aide de définitions, les cases blanches recevant les lettres des mots découverts par le joueur, les cases noires séparant les mots qui ne se lisent que dans un seul sens. Jouer aux mots croisés; grille de mots croisés; amateur de mots croisés. Les voyous suivent des problèmes de mots croisés et vont au café comme les rentiers vont aux courses (FARGUE, Piéton Paris, 1939, p.136). À partir des informations incomplètes — parfois trompeuses — d'un problème de mots croisés, je remplis les cases vides, et j'arrive à refaire sans faute le modèle inconnu de moi (RUYER, Cybern., 1954, p.152). Les mots croisés sont naturellement un jeu solitaire, mais un jeu où l'on peut gagner ou perdre, selon que l'on découvre ou non les mots de l'énigme (Jeux et sports, 1967, p.345).REM. Mots-croisiste, subst. Amateur de mots croisés. Synon. cruciverbiste. (Ds Lar. Lang. fr.).Prononc. et Orth.: [mo]. Homon. maux. Pas de liaison sauf ds mot à mot: []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A.1. Fin Xe s. ne soner mot «ne rien dire» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 214: Jesus li bons mot no.l soned); ca 1100 n'en savoir mot «ne se douter nullement de...» (Roland, éd. J. Bédier, 1173); 2. 1549 mot composé (DU BELLAY, Deffense et illustration, éd. H. Chamard, p.193); 3.ca 1180 vén. (G. DE BERNEVILLE, Gilles, 1895 ds T.-L.: Quatre moz corne...); 4. 1er quart XIIIe s. moz «paroles d'une pièce chantée» (JEAN RENART, Galeran, éd. L. Foulet, 1172), cf. motet; 5. a) ca 1170 mot à mot «avec précision, sans passer un mot» (CHRÉTIEN DE TROYES, Erec, éd. M. Roques, 6271); b) 1549 traduire mot a mot (Th. SIBILET, Préface de l'Iphigene d'Euripide cité ds DU BELLAY, Œuvres poét., éd. H. Chamard, t.1, p.19); 6. a) 1530 mot du guayct «mot qu'un chef donne à ceux qui sont sous ses ordres pour qu'ils puissent se reconnaître entre eux» (PALSGR., p.287); b) 1674 se donner le mot «s'entendre, être de connivence» (LA FONTAINE, Contes, 4e partie ds Œuvres, éd. H. Régnier, t.5, p.590); c) 1694 mot de ralliement (Ac.); d) 1828-29 mot de passe (VIDOCQ, Mémoires, t.1, p.147); 7. 1690 mot d'une énigme (FUR.). B. 1. a) ca 1100 sing. à valeur collective «discours, ce qu'on répond à quelqu'un» (Roland, 1164: Si lur ad dit un mot curteisement); b) ca 1100 a icest mot (ibid., 1180); c) fin XIIe s. s'écrier trois mots (Raoul de Cambrai, éd. P. Meyer et A. Longnon, 2374); 2. a) 1246 faire mot à qqn «attaquer quelqu'un par des paroles» (texte cité ds RUNK., p.94); b) 1718 (Ac.: On dit par forme de menace, Nous en dirons deux mots quand vous voudrez); c) 1866 avoir des mots avec qqn (DELVAU, Langue verte, p.17); 3. a) fin XIVe s. plur. «propos, bavardages» (E. DESCHAMPS, Miroir de mariage, 5504, éd. G. Raynaud, t.9, p.180); b) av. 1715 se payer de mots (MALEBRANCHE cité ds FÉR., s.v. payer); 4. a) 1205-50 bon mot «trait plaisant, ingénieux» (Renart, éd. Martin, XXII, 6); b) 1549 le petit mot pour rire (DU BELLAY, Deffense et illustration, p.110); c) 1585 «parole expressive» (DU FAIL, Contes d'Eutrapel, éd. Assézat, t.2, p.294); 5. a) 1464 «prix qu'on offre ou qu'on demande de quelque chose» (Pathelin, éd. R. T. Holbrock, 1196: se je ne vous paye a vostre mot); b) 1549 prendre au mot (EST.); c) 1793 au fig. (COLLIN D'HARLEVILLE, Vieux Celib., IV, 5 ds LITTRÉ: Fort bien! C'est votre dernier mot?; 6. 1631 un mot d'écrit «un billet» (ROTROU, Hypocondriaque, III, 1 ds Œuvres, Paris, 1820, t.1, p.31). C. a) 1925 mots en croix (Eve, 22 mars, 3 ds QUEM. DDL t.16); b) 1929 mots croisés (Lar. 20e, s.v. croiser). Du b. lat. muttum «son» dér. régr. de muttire «produire le son mu, grommeler» remontant au rad. onomatopéique - (cf. mutmut facere «émettre un son à peine distinct, un chuchotement» att. par Apulée, v. TLL s.v. mutmut, 1722, 28), att. dep. le IVe s. (St Jerôme, v. TLL s.v., 1730, 24) et en lat. médiév. dep. le VIIIe s. (v. NIERM., DU CANGE). En b. lat. muttum est employé dans des phrases négatives, littéralement «ne pas ... un son» et il en est de même dans les 1res attest. du fr. (ne soner mot, ne tinter mot, ne parler mot, v. T.-L. et Romania t.64, p.347, t.65, p.223 et 539); par la suite mot s'est employé en dehors de cette tournure négative et a pris le sens de «parole, discours». Au sens C cf. angl. cross-word puzzle (1914, New York World, 6 déc. ds NED Suppl.2). Fréq. abs. littér.: 46816. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 65331, b) 65556; XXe s.: a) 66015, b) 68528. Bbg. MAROUZEAU (J). Aspects du fr. Paris, 1950, pp.181-197. — QUEM. DDL t.1, 16, 17, 19, 21. — REY-DEBOVE (J.). Le Métalangage: ét. ling. du discours sur le lang. Paris, 1978, p.41, 137. — ROSETTI (A). Autour du mot Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1966, t.4, n°1, pp.427-428; Sur le mot. In: Congrès Internat. de Ling. et Philol. Rom. 13. 1971. Québec, 1976, t.1, pp.571-576. — TAMBA-MECZ (I.). Fantômes et réalités ling. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1979, t.17, n°1, pp.319-335. — TILANDER (G.). Ne sonner mot ... Romania. 1938, t.65, pp.346-394. 1939, t.65, pp.539-543. — TOGEBY (K.). Qu'est-ce qu'un mot? In: T.(K.). Choix d'articles: 1943-1974. Copenhague, 1978, pp.51-65.mot [mo] n. m.ÉTYM. Xe, Passion du Christ, ne soner mot « ne rien dire »; du lat. pop. mottum, altér. du bas lat. muttum « grognement », rad. muttire « souffler mot, parler », proprt « dire mu ».❖♦ Élément sémantiquement codé d'une langue; son ou groupe de sons articulés, ou figurés graphiquement (par idéogrammes ou par lettres), qui conserve une certaine unité formelle dans des emplois grammaticaux déterminés et auquel est liée soit une fonction stable, soit la représentation d'une chose, d'une idée ou d'un être. || Lettres, syllabes constituant un mot. || Ensemble des mots qui composent une langue. ⇒ Lexique, nomenclature, vocabulaire.1 Dans toute langue parlée, le mot est un son ou un groupe de sons articulés auquel ceux qui parlent, attachent une valeur intellectuelle. C'est un signe sonore qui rappelle, par suite d'une association régulière d'idées, soit l'image d'un objet matériel, soit l'idée d'une notion abstraite… Le mot est le serviteur de l'idée (…)A. Darmesteter, la Vie des mots, p. 36.2 Toute idée, simple ou complexe, se traduit par des sons, des groupes de sons, et des bruits, qui forment des mots, signes des idées : encrier, vivre, demain.F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 3.3 L'unité même du mot n'est pas aisément reconnaissable; elle se définit d'une part par le fait que le système d'articulations dont se compose le mot est susceptible d'être isolé ou déplacé dans la phrase sans cesser de répondre à un concept donné, d'autre part éventuellement par le fait qu'on peut observer, entre les éléments composants du mot certaines relations phonétiques, morphologiques, syntaxiques, etc.J. Marouzeau, Lexique de la terminologie linguistique, art. Mot.———1 Gramm. et ling. || Le mot, élément du langage. ⇒ Langage. || Le mot, forme libre qui entre dans la production de la phrase.4 Toute phrase est formée d'un ou de plusieurs groupes sémantiques à l'intérieur desquels on peut découper des unités plus petites, des mots. Le mot est une unité sémantique indécomposable : il existe des unités grammaticales plus petites, mais elles sont dépourvues de signification autonome. La structure du mot n'affecte pas en principe son unité et son autonomie sémantiques : simple ou dérivé, transparent ou opaque, il évoquera toujours un sens donné — ou le plus souvent plusieurs sens, selon le contexte. Le cas-limite entre mot et groupe est le mot composé, et c'est justement le critère d'unité, de soudure qui décidera s'il s'agit de l'un ou de l'autre. Nous définirons donc le mot comme l'unité sémantique minima de la parole.S. Ullmann, Précis de sémantique franç., p. 33.♦ Auteur, ouvrage, science qui traite des mots. ⇒ Dictionnaire; lexicographe, lexicographie; lexicologie, lexicologue; lexique. || Mots de la langue courante, générale, de tous les jours. || Mots courants, familiers. || Mot des langues spéciales, de la langue des métiers, mot technique. ⇒ Terminologie. || La vie et la mort des mots. || Mots vivants (→ Dire, cit. 3; lexicographe, cit. 2). — Mots qui font fortune (cit. 40), qui sortent de l'usage, tombent en désuétude (⇒ Archaïque, archaïsme, cit. 1). || Mot vieilli, vieux. || Mot nouveau. ⇒ Emprunt, néologisme. || Mot usité, usuel. || Mot dont on ne relève qu'un seul exemple. ⇒ Hapax. || Mot inédit (cit. 5), à la mode. — Techn., documentation. || Mot-clé : mot choisi pour couvrir une notion que l'on veut faire apparaître pour analyser et indexer un document. ⇒ Descripteur. — Mot-témoin, dont la fréquence caractérise un style, la façon de penser d'un auteur, d'une époque. — Origine, filiation des mots. ⇒ Étymologie, et aussi famille, racine, radical. || Mots qui sont tirés, qui viennent du latin (cit. 12). || Mot indigène. || Mot emprunté, mot d'emprunt. ⇒ Emprunt. || Mot emprunté par le français à une autre langue (⇒ Anglicisme, latinisme…). || Revêtir un mot d'une forme empruntée à une autre langue (⇒ Angliciser, franciser…). || Accueillir dans une langue un mot dialectal, étranger, exotique, anglais, grec, latin. ⇒ Naturaliser. — (1933). || Mot savant (→ Gallo-roman, cit.), demi-savant (1933), populaire. || Mots d'argot. || Mots régionaux. || Mots de même étymologie, mais de formation différente. ⇒ Doublet. || Mot hybride. || Mot forgé, inventé par un écrivain (→ Artificiellement, cit.). || Mot utilisé dans une terminologie. ⇒ Terme. || Formation, forme des mots. ⇒ Morphologie. || Mots courts, longs (→ Génie, cit. 12). || Le mot est composé de syllabes. ⇒ Syllabe (et ses composés). || Épeler, lire un mot. || Écrire un mot correctement. ⇒ Orthographe. || Mot de trois, de quatre lettres. ⇒ Trilitère, tétragramme. — (1565). || Mot simple, dans la formation duquel il n'entre ni préfixe, ni suffixe. — Ling. Mot à un seul morphème, dit morphème-mot. — (1565). || Mot composé, formé de plusieurs éléments lexicaux. — (1690). || Mot dérivé. ⇒ Composition, dérivation; lexie, particule; affixe; préfixe, suffixe; base; radical, thème. || Mot primitif, thématique. || Terme formé de deux ou plusieurs mots (→ Abrègement, cit.). || Morphème qui s'ajoute au lexème d'un mot. ⇒ Désinence, flexion, terminaison. || Mot invariable, variable. || Forme emphatique d'un mot. || Mot contracté. || Mettre un mot au pluriel, au féminin (→ Féminiser). || Genre, nombre d'un mot. || Altération, déformation d'un mot. ⇒ Apocope, épenthèse, métaplasme; barbarisme. || Mots à signifiants identiques (⇒ Homonyme), voisins (⇒ Paronyme). || Transposition des lettres d'un mot (⇒ Anagramme). || Mot-valise (voir à l'ordre alphabétique). || Mot-outil. ⇒ Outil.♦ Valeur stylistique des mots. || Mot bas, familier, grossier, littéraire, poétique, populaire, trivial, vulgaire. || Beaux mots (→ Copieux, cit. 4). || Les plus beaux mots de la langue française. || Saveur des mots (→ Harmonie, cit. 25). || Mot à effet (→ Captiver, cit. 8), expressif (cit. 3), fort, pittoresque (→ Gnôle, cit. 2), riche de couleur (cit. 27) et de sonorité. || Mot faible (⇒ Faiblesse, infra cit. 21), incolore (→ Impressionniste, cit. 2), sans relief (→ Boulon, cit. 2), terne, usé, sans valeur expressive (cit. 2). || Figures de mots (⇒ Figure; rhétorique). || Alliance de mots (dont le rapprochement crée une expression remarquable. Ex. : Cette obscure clarté qui tombe des étoiles; hâte-toi lentement). || Mot de remplissage. ⇒ Cheville. || Dire beaucoup en peu de mots (→ Esprit, cit. 127; fatras, cit. 8). ⇒ Concis, concision. || Mot répété (→ Corriger, cit. 7), ressassé (→ Insistance, cit. 4). — Choix des mots. — Arrangement (cit. 6), ordonnance (→ Impérieusement, cit. 2) des mots (→ Autre, cit. 6.1, Pascal).5 Enfin Malherbe vint, et, le premier en France (…)D'un mot mis en sa place enseigna le pouvoir (…)Boileau, l'Art poétique, I.6 Mais, si les langues sont comme les nations, il est encore très vrai que les mots sont comme les hommes. Ceux qui ont dans la société une famille et des alliances étendues y ont aussi une plus grande consistance. C'est ainsi que les mots qui ont de nombreux dérivés et qui tiennent à beaucoup d'autres, sont les premiers mots d'une langue et ne vieilliront jamais; tandis que ceux qui sont isolés ou sans harmonie, tombent comme des hommes sans recommandation et sans appui.Rivarol, Littérature, in Œ., I.♦ Aspect phonétique des mots. ⇒ Phonétique; phonologie; prononciation, son; assonance, consonance. || Les phonèmes d'un mot. || Accent du mot. ⇒ Accentuation; baryton, enclitique, oxyton, proclitique. || Mot atone. || Voyelle accentuée du mot (→ Accent, cit. 1). || Mot harmonieux, imprononçable, rude. || Mélodie des mots. || Classes fonctionnelles de mots. ⇒ Adjectif, adverbe, article, conjonction, interjection, nom (et substantif), préposition, pronom, verbe. || Les espèces de mots, les « parties du discours ». — Mots lexicaux (nom, verbe, adjectif, certains adverbes) et mots grammaticaux. — (1922). || Mot-outil, exprimant une relation entre les termes du discours. || Mots qui s'agencent (cit. 4) en phrases. ⇒ Phrase. || Distribution d'un mot dans les énoncés. || Dans les langues dites incorporantes ou holophrastiques il est difficile de distinguer le mot de la phrase. || Association des mots dans la phrase. || Les groupes de mots (→ Accommoder, cit. 14). ⇒ Membre, proposition, tournure. || Accord et ordre des mots. ⇒ Syntaxe. || Fonction et rôle des mots dans la phrase. ⇒ Grammaire; antécédent, apposition; corrélatif, épithète, explétif, partitif, supplétif.♦ Le mot considéré du point de vue de sa signification. || Le sens d'un mot. ⇒ Acception, sens, signification, valeur. || Les mots sont des signes. || Le signifiant et le signifié, l'expression et le contenu d'un mot. || Association d'un mot et d'un concept, d'une idée. || Mot employé dans son sens fort, plein. || Au sens fort du mot. || Définition d'un mot. || Étude du sens d'un mot. ⇒ Sémantique. || Étendue, extension du sens d'un mot. || Mot compréhensif (cit. 2). || Association des idées exprimées par les mots. ⇒ Analogie. || Mot-centre. || Mot clair, obscur, abstrait (cit. 4), concret. || Mot qui évoque un bruit. ⇒ Onomatopée. || Exiger des mots un contenu précis (→ Clarté, cit. 15). || Mot impropre, vague. || Mot à double interprétation. ⇒ Ambiguïté, amphibologie, équivoque. || Mot consacré (→ Logos, cit. 1), juste (→ Expression, cit. 3). || Le mot propre, exact, précis, le bon mot (→ Inconfort, cit. 2). || Mot à plusieurs sens (polysémique) à un seul sens (monosémique, univoque). || Mots à signifiés identiques. ⇒ Synonyme. || Mots à signifiés contraires. ⇒ Antithèse, antonyme. — Mot autonyme, cité, en mention (et non usité, en fonction). || Le mot de liberté (→ Afficher, cit. 1). || Le mot « agrume » (cit. 2). || Le mot homme d'État (→ Habile, cit. 18, Hugo). || Le mot bulletin s'écrit avec deux l. || Le mot de gredin est injurieux. ⇒ Terme.6.1 Jamais une idée générale dans le genre de celles que développait M. Beulier, jamais de vues oraculaires sur l'âme, sur l'intelligence. Mais un fait, le sens qu'avait autrefois un mot, l'usage d'où ce mot dérivait, les raisons de fait pour lesquelles on ne pouvait croire que ce fût dans tel sens que l'eût entendu tel écrivain.Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 479.6.2 Le mot France et le mot Allemagne ne sont à peu près plus et n'ont jamais été pour le monde des expressions géographiques, ce sont des termes moraux (…)Giraudoux, Siegfried et le Limousin, p. 148.7 La variété des procédés morphologiques fait que la définition du mot varie suivant les langues. S'il y a des langues où le mot se laisse définir aisément comme une unité indépendante et insécable, il en est d'autres où il se fond en quelque sorte dans le corps de la phrase, où l'on ne peut à vrai dire le définir qu'à condition d'y englober une masse d'éléments variés.J. Vendryes, le Langage, p. 103.8 Et l'on sait de reste avec quel zèle écrivains, grammairiens ou lexicologues pourchassent le moindre soupçon d'obscurité ou d'amphibologie — jusqu'à admettre par avance et tenir pour loi que tout mot a son idée, toute idée son mot.J. Paulhan, les Fleurs de Tarbes, p. 128.♦ Spécialt. Occurrence d'un mot dans le discours (→ ci-dessous les exemples en 2.).2 Cour. || Mot prononcé; mot écrit, ou graphique (suite de signes entre deux blancs) : occurrence observable d'un mot.♦ Articuler (cit. 9 et 14), balbutier (cit. 13), manger, marteler (cit. 9), scander (→ Corser, cit. 1), traîner ses mots. || Il a dit un mot pour un autre (→ La langue lui a fourché). — Sauter un mot en recopiant. || Mot abrégé (→ Hiéroglyphe, cit. 5), illisible. || Texte de mille mots environ. ☑ Avoir un mot sur le bout de la langue, des lèvres. || Mot qui se présente, qui reste au bout de la plume. — ☑ Chercher ses mots (→ Ânonner, cit. 2). ☑ XXe. Ne pas trouver ses mots (en parlant, en écrivant). → Approche, cit. 4. || Les mots ne venaient pas (→ Heu, cit. 2). || Il faut lui arracher les mots.9 Ils me font dire aussi des mots longs d'une toise,De grands mots qui tiendraient d'ici jusqu'à Pontoise.Racine, les Plaideurs, III, 3.10 Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,Et les mots pour le dire arrivent aisément.Boileau, l'Art poétique, I.11 Ah ! si je savais dire comme je sais penser ! Mais il était écrit là-haut que j'aurais les choses dans ma tête, et que les mots ne me viendraient pas.Diderot, Jacques le fataliste, Pl., p. 518.12 Il est des mots qu'on aime à répéter. Il en est d'autres que l'on craint. L'on évite (en temps de paix) le mot guerre : l'on dit plutôt défense nationale. Le mot dévaluation : l'on dit alignement monétaire.J. Paulhan, les Fleurs de Tarbes, p. 133.♦ Allusion littéraire :13 Car le mot, c'est le Verbe, et le Verbe, c'est Dieu.Hugo, les Contemplations, I, I, VIII.♦ À ces mots (→ Adieu, cit. 10), sur ces mots, disant ces mots, en achevant (cit. 15) ces mots… || Dès les premiers mots (→ Capter, cit. 2). || Dire un mot. ☑ Ne dire mot (→ Bouger, cit. 4), ne pas dire un mot, un seul mot, un traître mot. ☑ Ne pas sonner (vx), souffler mot : garder le silence. ☑ Sans dire un mot (→ Assiette, cit. 17), sans dire mot (→ Attacher, cit. 106), sans mot dire (cit. 4). ☑ Surtout, pas un mot ! (⇒ Motus). || Si je n'en disais mot, je n'en pensais pas moins. — ☑ Prov. Qui ne dit mot consent. — ☑ Ne pas avoir, ne pas dire un mot plus haut (cit. 31) que l'autre.13.1 Sans faire d'éclat il fallait tout de même marquer le coup. J'avais d'ailleurs un très bon prétexte : les travaux de la Belle Angerie, dont Mme Rezeau ne soufflait mot.Hervé Bazin, Cri de la chouette, p. 212.14 À ces mots, le corbeau ne se sent pas de joie (…)La Fontaine, Fables, I, 2.15 (…) sa rupture était complète avec les Buteau, il restait dans son silence, comme séparé et enseveli. Jamais, dans aucune circonstance, pour aucune nécessité, il ne leur adressait la parole (…) pas un regard, pas un mot, l'air d'un aveugle et d'un muet, la promenade traînante d'une ombre, au milieu de vivants.Zola, la Terre, V, II.16 De tout cela, Derancourt ne disait mot.G. Duhamel, Récits des temps de guerre, I, XII.16.1 (…) il demanda ce qu'on lui avait fait; ceux à qui il s'adressa ignorant tout, ne lui répondirent rien de clair; de ce moment il forma des soupçons; il ne dit mot, mais je le vis troublé.Sade, Justine…, t. I, p. 93.♦ Vx (langue class.). || Mot : pas un mot. || « Point de réponse, Mot » (La Fontaine, Fables, VIII, 17).♦ C'est le mot qu'on attendait. ☑ Lâchons le mot (→ Ganache, cit. 4). ☑ Ne pas avoir peur des mots. ☑ Je ne trouve pas de mot assez fort pour qualifier cet acte. || Ce mot est bien fort, bien rude. — ☑ Ne pas mâcher ses mots, trancher le mot : parler avec franchise, netteté. — ☑ Peser ses mots. ☑ Parler à mots couverts, à mi-mots. ☑ Comprendre, entendre à demi-mot. ⇒ Demi-mot.17 À mi-mots, avec une pudeur souriante et bourrue, elle laissait apercevoir à qui le pouvait comprendre le vide de sa destinée, l'amertume de sa vie gâchée (…)Émile Henriot, Aricie Brun, III, III.♦ ☑ Mot convenu, Mot du guet, (1825) d'ordre, (1868) de passe. || Mot secret. — ☑ (1671). Fig. Se donner le mot : s'entendre, se mettre d'accord. ☑ Le mot de la charade (→ Absolu, cit. 17), la réponse. ☑ Le mot de l'énigme. ☑ Le fin mot de l'affaire. — ☑ Loc. (1640). Avoir le mot : être dans le secret, savoir ce qu'il faudra dire ou faire.17.1 Depuis ce jour, cette recherche fut l'unique préoccupation des habitants de l'île Lincoln. Tout les poussait à découvrir le mot de cette énigme, mot qui ne pouvait être que le nom d'un homme doué d'une puissance véritablement inexplicable et en quelque sorte surhumaine.J. Verne, l'Île mystérieuse, t. II, p. 755.♦ Mot magique (→ Fabuleux, cit. 6; maîtriser, cit. 5). || Maître-mot (→ Magicien, cit. 4). || Mot sacramentel.17.2 (…) et Guimard qui a quelque culture parlant des chambres secrètes des Égyptiens et des « maîtres mots ».F. Mallet-Joris, le Jeu du souterrain, p. 195.♦ ☑ Grand mot : mot emphatique, prétentieux ou, encore, mot de grande conséquence (→ Assommer, cit. 9; érudition, cit. 2; fatalité, cit. 5; 1. jargon, cit. 6).18 Votre Sainteté est souveraine de Rome, mais j'en suis l'Empereur. Le grand mot était lancé, que le Pape ne pouvait pas laisser passer.Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, « Vers l'Empire d'Occident », XII.19 C'est comme si je souhaitais sa mort…— Tout de suite les grands mots ! Mais non, mon imbécile chéri; tu as vingt ans, tu ne veux pas que ta jeunesse soit enterrée vivante…F. Mauriac, le Mal, VIII.♦ Mot à double sens, à double entente (→ Gaillardise, cit. 1). ⇒ Équivoque. ☑ Jouer sur les mots (→ Équivoquer). ☑ Jeu de mots, sur les mots. ⇒ Calembour, contrepèterie, turlupinade (vx).♦ Mot blasphématoire (cit. 2), blessant (cit. 2), ignoble (cit. 2). ☑ Vilain mot; (vx) mot de gueule. ☑ Mot de Cambronne, de cinq lettres (merde). ☑ Mot de trois lettres (con, cul…). → Frère, cit. 24. — ☑ Gros mot : mot considéré comme grossier, inconvenant. || Les enfants adorent les gros mots.3 (Les mots dans leurs rapports avec la pensée et le réel. Souvent péj.; envisagés en tant qu'incapables d'exprimer et de communiquer la pensée). || Les mots, distingués de la pensée, opposés aux idées (cit. 15 et 16; → Abstraction, cit. 5). || Mots dénués de signification. || Proférer des mots vides de sens. || Mots qui ont plus de valeur que de sens (→ Liberté, cit. 1, Valéry). || « Mots perroquets » (Valéry). || Vains mots (→ Abuser, cit. 12), mots creux. ☑ Se payer de mots. || Ce ne sont que des mots. ⇒ Parole (en l'air) et vent (ce n'est que du). || Des mots ! Des mots ! (→ Cueillir, cit. 9). ☑ Cliquetis de mots. — Les mots et les choses. ☑ Prendre la paille des mots pour le grain (cit. 6) des choses. ⇒ Verbalisme; psittacisme. — Les mots et les actes (cit. 3).20 (…) les propos auxquels on mêlait son nom, n'étaient peut-être que des propos; du bruit, des mots, des paroles; moins que des paroles, des palabres, comme dit l'énergique langue du midi.Hugo, les Misérables, I, I, I.21 Les hommes le plus souvent se querellent pour des mots. C'est pour des mots qu'ils tuent et se font tuer le plus volontiers.France, le Mannequin d'osier, Œ., t. XI, XVII, p. 433.22 Et Mallarmé, avec sa douce profondeur : « Mais, Degas, ce n'est point avec des idées que l'on fait des vers… c'est avec des mots ».Valéry, Degas, Danse, Dessin, p. 99.23 Trop souvent, le mot tient lieu de la chose et la chose peut s'en aller. Nous payons de mots les autres et nous-mêmes. Nous volons et nous sommes volés.Gide, Attendu que…, p. 172.24 La pensée vole et les mots vont à pied. Voilà tout le drame de l'écrivain.J. Green, Journal, 4 mai 1943.♦ Au fig. (Les mots étant considérés par rapport à leur contenu intellectuel ou affectif). ☑ Ignorer, ne pas savoir le premier mot, un traître mot d'une chose, d'une science, d'une langue : en ignorer tout. || Il ne m'échappait pas un mot de ce qu'il me disait (→ Attention, cit. 1). — ☑ Le premier et le dernier mot de qqch. (→ L'alpha [cit. 2] et l'oméga). — Le dernier mot. || Le dernier mot de la sagesse humaine, sa plus grande perfection (→ Abêtir, cit. 2). — ☑ (1874). Avoir le dernier mot dans une discussion, l'emporter finalement. || Le dernier mot restera à une philosophie critique (→ Fond, cit. 30). ☑ Il n'a pas dit (donné) son dernier mot : il n'a pas montré encore tout ce dont il était capable, tout ce qu'on peut attendre de lui. — ☑ Placer son mot (→ Affirmer, cit. 6) : intervenir dans une conversation (→ Mettre, placer son grain de sel). ☑ Avoir son mot à dire : être autorisé à exprimer son avis, à donner son opinion, son consentement.25 Néanmoins, il passait pour un grand esprit qui n'avait pas donné son dernier mot.Balzac, Une fille d'Ève, Pl., t. II, p. 89.26 (…) il a toutes les ressources de la dialectique, et, avec lui, vous n'aurez jamais le dernier mot sur quoi que ce soit.Nerval, Nuits d'octobre, II.26.1 Tout partenaire d'une scène rêve d'avoir le dernier mot. Parler en dernier, « conclure », c'est donner un destin à tout ce qui s'est dit, c'est maîtriser, posséder, dispenser, assener le sens; dans l'espace de la parole, celui qui vient en dernier occupe une place souveraine, tenue, selon un privilège réglé, par les professeurs, les présidents, les juges, les confesseurs.R. Barthes, Fragments d'un discours amoureux, p. 247.♦ ☑ (1847). Fam. (au plur.). Avoir, échanger des mots avec qqn : avoir une altercation, échanger des propos malsonnants.27 (…) je n'y retourne pas; j'ai eu des mots avec les patrons et j'ai perdu ma place.G. Duhamel, Salavin, I, II.4 Suite de mots composant une ou plusieurs phrases courtes. || Dire, adresser un mot à qqn (→ Effort, cit. 23). || Couler (cit. 29), glisser un mot à l'oreille de qqn. || Il n'avait qu'un mot à dire pour obtenir satisfaction. || Encore un mot ! ☑ Finir un récit en deux mots, brièvement (→ Abréger, cit. 1). ☑ Dire, toucher un mot de qqch. à qqn, l'en entretenir brièvement. (XVIIe). || Laissez-moi lui dire deux mots. — ☑ (Fam.). Je vais lui dire deux mots, l'admonester (→ Lui passer un savon). ☑ Goûtez-moi ce vin, vous m'en direz deux mots (→ Vous m'en donnerez des nouvelles). — Dire deux mots à une bouteille, à un poulet (→ Boire, manger).28 À moi, Comte, deux mots.Corneille, le Cid, II, 2.29 Tenez, tous vos discours ne me touchent point l'âme :Horace avec deux mots en ferait plus que vous.Molière, l'École des femmes, V, 4.♦ (1578, in D. D. L.). Courte lettre. ⇒ Billet, écrit, lettre (→ Griffonner, cit. 6). || Écrire un mot à qqn. || « Prête-moi ta plume pour écrire un mot » (Au clair de la lune, chanson). || Un mot galant. ⇒ Poulet. || Je vous enverrai un petit mot. — Vx. || Un mot de billet.30 Tu m'écriras, lui dit-elle. Un petit mot tous les jours; ça n'a pas besoin d'être long.Sartre, le Sursis, p. 111.♦ Des mots d'amour (→ Convenance, cit. 7), de tendresse (→ Lettre, cit. 25). || Il attendait un mot d'approbation, d'excuse. || Un mot d'éloge (→ Fromage, cit. 9).5 Parole exprimant de façon concise une pensée profonde, originale, spirituelle… (→ Faute, cit. 39). || Recueil de Mots célèbres. ⇒ Ana; dicton, dit (vx), sentence (→ Authentique, cit. 13; labourage, cit. 2). || Mot historique (cit. 9 et 10), mémorable. || Mot d'enfant : parole amusante ou touchante, caractéristique de la mentalité enfantine. || Mot d'auteur.31 Il fut donc, selon le mot du plus spirituel et du plus habile de nos diplomates, un des cinq cents fidèles serviteurs qui partagèrent l'exil de la cour à Gand, et l'un des cinquante mille qui en revinrent.Balzac, le Bal de Sceaux, Pl., t. I, p. 75.32 C'est beau, un beau crime ! s'écria un jour J.-J. Weiss dans un grand journal. Le mot fit scandale parmi les lecteurs ordinaires.France, le Jardin d'Épicure, p. 109.♦ ☑ Loc. Le mot de la fin, qui résume une situation avec justesse et concision. || Le mot de la situation (→ Figure, cit. 22). — ☑ (XIIIe). Spécialt. Bon mot. ⇒ Anecdote, boutade, épigramme (cit. 10), saillie, trait. || « Diseur de bons mots, mauvais caractère » (cit. 50, Pascal). — ☑ (1904). Mot d'esprit (→ Argot, cit. 9). || Mot amusant (cit. 3), drôle, spirituel (→ Juste, cit. 39), plaisant (→ Gris, cit. 4). — ☑ (XVIe). Le mot pour rire. ⇒ Plaisanterie (→ Joyeuseté). || Avoir toujours le mot pour rire. — Mot cruel, dur, à l'emporte-pièce, frappant (→ Génie, cit. 35), piquant, terrible (→ Hou, cit.).33 Dans un dîner avec des Hambourgeois, où Rivarol prodiguait les saillies, il les voyait tous chercher à comprendre un trait spirituel qui venait de lui échapper. Il se retourna vers un Français qui était à côté de lui, et lui dit : « Voyez-vous ces Allemands, ils se cotisent pour entendre un bon mot ! »Rivarol, l'Esprit de Rivarol, in Études…34 Un bon mot, mais ce peut être tout, un bon mot ! Ce peut être la poésie, l'émotion, le rire, le tragique, la douleur, la bonté, l'amour, toute l'expérience de la vie, tout un caractère, toute une philosophie.Paul Léautaud, le Théâtre de M. Boissard, XVII.♦ Absolt. (→ Flèche, cit. 11). || Faire des mots. || Il était redouté pour ses mots.35 Il a toujours le mot, et sous ses cheveux grisSa belle humeur fait honte aux plus jeunes esprits.La Comédie des Tuileries (attrib. en partie à Corneille, v. 127).6 ☑ Loc. (V. 1160). Mot à mot [motamo]. || Lire, répéter mot à mot : un mot après l'autre, d'où : exactement. || Cette réponse se trouve presque mot à mot dans l'antépénultième (cit.) chapitre du Coran. ⇒ Textuellement. — ☑ (1538). Mot pour mot. || Rapporter un récit mot pour mot (→ Ici, cit. 20), sans y rien changer, fidèlement. — Traduire mot pour mot, et, plus cour. (1625), mot à mot, en faisant correspondre à chaque mot son exact équivalent dans l'autre langue. — Adj. || Traduction mot à mot. ⇒ Littéral, textuel. — Subst. (1803). || Faire le mot à mot (ou mot-à-mot) d'un texte (→ Laisse, cit. 5). || Je vais vous donner le mot-à-mot de la version.36 Ces vers que mot à mot il est besoin qu'on pèse.Molière, les Femmes savantes, III, 1.37 Ne croyez pas que j'aie rendu ici l'anglais mot pour mot; malheur aux faiseurs de traductions littérales, qui, traduisant chaque parole, énervent le sens ! C'est bien là qu'on peut dire que la lettre tue, et que l'esprit vivifie.Voltaire, Mélanges historiques, « Lettres philosophiques », XVIII.♦ ☑ (1674). En un mot comme en cent, (1731) comme en mille. — ☑ (1538). En un mot (→ Auteur, cit. 31) : pour résumer en une seule expression. ⇒ Bref, enfin, résumé (en). → En définitive. || « Elle flotte (cit. 14), elle hésite, en un mot elle est femme » (Racine). || Je me résume en un seul mot (→ Annualité, cit.), en quelques mots. ⇒ Bref (en). — ☑ C'est mon dernier mot : c'est mon dernier prix, c'est la dernière concession que je fais. || Le dernier mot dans une tractation, un marchandage.38 (…) toute vérité n'est pas bonne à croire : et les serments passionnés, les menaces des mères (…) le dernier mot de nos marchands, cela ne finit pas.Beaumarchais, le Mariage de Figaro, IV, 1.♦ ☑ Prendre qqn au mot (→ Fournir, cit. 9) : accepter immédiatement une proposition que l'interlocuteur fait par défi ou par jeu en pensant qu'on ne la prendra pas en considération (→ Explicateur, cit. 1). — ☑ Au bas mot :39 C'est entendu, Barville vaut, au bas mot, vingt mille francs; mais on placera le bien sur la tête de l'enfant (…)Maupassant, Une vie, VII.40 (…) comme ces erreurs étaient toujours accompagnées de menaces de sanctions épouvantables s'il ne payait pas dans les trois jours, il voyait le gaz coupé ou la saisie, et n'avait de cesse qu'il se fût expliqué de vive voix avec des employés qui se moquaient de lui, pour avoir pris au mot les ultimatums de l'imprimé.Montherlant, les Célibataires, II, VI.———II Sc. et techn.1 Inform. Dans un langage de programmation, Suite finie de signes pris dans un alphabet et ordonnés suivant des règles morphologiques déterminées, à laquelle on associe un sens ou une fonction, selon l'utilisation envisagée. || Mot à n positions, mot formé d'une suite de n signes. || Limite de longueur d'un mot. ⇒ Format. || Le nombre total des mots distincts qu'il est possible de former dans un langage constitue la puissance lexicographique de ce langage. || Le contenu informationnel du mot est défini par l'assignation sémantique.2 Math. Chacune des suites finies d'éléments (appelés lettres) d'un ensemble (appelé alphabet), dont l'ensemble, muni d'une loi de composition interne par concaténation, constitue le monoïde libre sur (ou engendré par) le premier ensemble.❖DÉR. Motet.COMP. Contre-mot, mot-rébus, mots-croisés, mot-valise.
Encyclopédie Universelle. 2012.